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Articles Par Mois

18 septembre 2007 2 18 /09 /septembre /2007 17:42

Il y a quelque années, j'avais proposé à un producteur français une série concept dont chaque épisode comporterait deux parties distinctes, nécessitant chacun un casting différent mais traitant à chaque fois d'un même sujet (je ne préciserai pas plus parce que je n'ai pas abandonné ce projet – j'ajouterai juste que ce n'était pas une série policière). On m'avait répondu alors que ce serait trop demander au spectateur que de l'obliger à suivre deux castings différents et qu'il était impossible de traiter un concept de ce genre en cinquante minutes. La productrice en question n'avait probablement jamais entendu parler de Law and Order (traduite en "Français" sous le nom de New York District) qui présente dans chaque épisode de quarante minutes une enquête criminelle vue d'abord du point de vue des policiers puis de l'équipe du procureur de New-York. Il se trouve en passant que Law and Order est par ailleurs une des séries les plus rentables et les plus populaires de tous les temps... (Ce qui ne veut pas dire que la série que j'ai proposé aurait pu avoir le même destin, juste que l'argument ne tenait pas debout...)

Aaron Sorkin raconte dans son introduction à The West Wing Script book, que dans les années 70, un exécutif de CBS prétendait qu'une série télé ne pouvait marcher si elle comportait des héros juifs, divorcés, new-yorkais ou ayant des moustaches.  Les décennies suivantes ayant amenées des séries aussi populaires que Seinfeld (Juif et New-Yorkais) Magnum (moustachu), ou NYPD Blues (dont le héros Sipowicz cumulait les handicaps d'être divorcé, moustachu et New Yorkais – sans parler du fait qu'il était alcoolique et raciste), Aaron Sorkin en conclut que "Les gens qui ne savent rien à rien ont tendance à inventer de fausses règles, les véritables règles étant beaucoup plus difficiles à apprendre".

Les règles inventées par les responsables de télévision et de production française sont encore plus nombreuses et contraignantes que celles édictée par l'exécutif de CBS. Des exemples ? En voici quelques uns, entendus ou qu'on m'a rapporté :

- il faut qu'un héros soit un exemple positif et qu'il ne soit jamais dans une situation qui pourrait être embarrassante. (Résumé par : "Imaginez que Julie Lescaut soit votre mère"...)

- il faut qu'un crime ait un motif passionnel pour être intéressant. Pas de serial killer. Pas de crimes politiques non plus...

- dans une bonne histoire, le caractère des personnages principaux n'évolue jamais (!).

- il ne faut pas parler des problèmes de corruption politique, ça ennuie le spectateur.

- le space opera, ça ne marchera jamais en France (même si c'est une série américaine).

- une histoire fantastique doit à la fin avoir une explication rationnelle. Autrement, on y croit pas.

- pour qu'on s'identifie à un personnage il faut qu'il soit vraisemblable (pas crédible, notez bien).

- les personnages doivent toujours avoir des réactions logiques ou rationnelles.

Et j'en passe...

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commentaires

D
Pour le moment et pour encore longtemps la série tv en France demeurera telle quelle ! Inutile de perde son temps si l’on n’est pas prêt à seulement travailler en mercenaire sans aucune velléité artistique. Une bonne occasion peut se présenter mais cela est chose rare. En ce cas  le travail des scénaristes et du réalisateur consistera  à limiter les dégâts. Sinon, un seul mot d’ordre, ne faisons pas de TV !C’est triste, mais c’est une réalité  contre laquelle nous ne pouvons rien à notre niveau de simple auteur/ artisans/ artistes…A moins d’une bonne épidémie mortel qui ne toucherait que les dirigeants et les exécutifs coupables de pourrir la réputation artistique télévisuelle (Et cinématiquement tant que l’on y est !)de la France … j’ai dis ça, moi ? nannnnn !
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M
Je suis aussi scénariste et j'ai eu l'occasion de travailler sur pas mal de sessins animés pour les enfants et de tenter de travailler sur une série live: Léa Parker (pompée sur Alias). Je dois dire que j'ai quelques perles à rapporter. Je suis parfois restée sans voix devant le discours absurde des producteurs. Les producteurs, en France, censurent souvent avant même que les chaines ne les censurent à leur tour et les auteurs en viennent aussi à s'autocensurer. Bref on arrive parfois à des règlements incroyables qui garottent complètement toute créativité. Sur un dessin animé, par exemple, j'ai entendu des choses aberrantes comme: on ne peut pas montrer un enfant faisant du vélo ou grimpant à un arbre, les parents seraient choqués et penseraient qu'on incite leurs enfants à faire des choses dangereuses. On ne peut pas montrer des enfants jouant aux billes, c'est un jeu avec des gains assimilés à un jeu d'argent (je leur ai demandé si le chocolat était alors assimilé à de la cocaïne, pas de réponse), dans cette série basée sur les bêtises d'enfants, on ne pouvait pas montrer un enfant trichant, mentant ou volant. Nooonnn, c'est trop méchant, il doit faire des bêtises sans faire exprès. On ne peut pas faire un script basé sur une imposture avec des quiproquos, parce que ça s'est déjà beaucoup fait. On ne peut pas parler de pipi et de caca, de prout, on ne peut même pas montrer des toilettes (c'est bien connu, les enfants n'aiment pas qu'on en parle, et ça ne les fait pas du tout rire). <br /> Et sur Léa Parker, ce serait trop long de dérouler l'inventaire des bêtises que j'ai entendu mais pour l'anecdote, Je dévelloppait un synopsis (pas payée, bien entendu) qu'ils m'avaient demandé en choisissant parmi des pitchs d'épisodes, sur le milieu des chauffeurs de mercedes pour les riches touristes étrangers. Après un temps d'attente indécent et plusieurs lapins posés, on m'a expliqué que le problème dans mon histoire, c'est qu'il y avait des voitures, et qu'ils n'avaient pas envie de faire des poursuites en voiture et des scènes en voiture, finalement, parce qu'ils préféraient voir Léa Parker courir dans un grand champ de fleurs. Si si! Mais une des règles de la série était que ça devait être une série parisienne et qu'on n'avait pas le droit de sortir du périph. Comment faire un script sur des chauffeurs sans voiture et dans un grand champ de fleurs mais dans paris intra-muros? J'ai laissé tomber.
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S
Magnifiques exemples de l'absurdité des demandes faites aux scénaristes en France.Tant que les scénaristes traiteront avec des producteurs et non avec des show-runners, c'est à dire d'autres scénaristes ayant en charge la direction artistique d'une série, la qualité des séries et la situation n'a hélas pas de raison de s'améliorer.
A
J'en apprends toujours autant en lisant ton blog. Bonne continuation et "good luck" pour la suite.
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S
Ah ben merci !
B
Excellent l'anecdote sur les fausses règles ! on se demande bien d'où on peut inventer qu'une série avec un héros moustachu ne pourra jamais marcher... ça m'a beaucoup fait rire, et les contre-exemples aussi (Magnum et Sipowicz).<br /> Sur le fond, votre article répond à une question que je me posais il n'y a pas si longtemps: mais pourquoi n'arrive-t-on pas en France à faire des séries aussi intéressantes qu'aux Etats-Unis? <br /> Si les gens qui décident de ce qui est programmé pensent qu'il faut obéir à des règles du genre "le héros doit être un exemple positif et son caractère ne doit pas évoluer", je comprends beaucoup mieux.<br /> Vu les articles que vous faites (ceux sur Rome évidemment, mais aussi celui sur Heroes, une série qui effectivement prends aux tripes pendant la première moitié, et laisse sur sa fin pendant la deuxième, avec un petit goût d'inachevé), j'ai l'impression que vous êtes quelqu'un qui ne fait pas de compromis avec l'intelligence d'un scénario et qui n'a pas peur de demander beaucoup au spectateur. J'espère donc de tout coeur que vous réussirez à percer pour nous rehausser un peu le niveau, en offrant des scénarios denses qui n'ont pas peur d'aller à contre courant.<br /> (digression complète: tout ça me fait penser que les producteurs de Carnivale doivent être des gens biens qui n'ont pas peur des risques et qui aiment l'art.)<br /> De plus, il est d'autant plus difficile de comprendre les attitudes que vous décrivez qu'il semble évident que c'est en demandant des efforts d'attention et de réflexion aux spectateurs qu'on les garde en haleine.<br /> <br /> Pour revenir aux séries françaises contemporaines, j'ai l'impression que dernièrement il y avait une volonté d'innover et de proposer des séries différentes des éternelles Julie Lescaut et consorts: par exemple, cette série avec Frédéric Diefenthal (je ne me souviens plus de son nom, il jouait un homme qui avait des prémonitions).<br /> Ca semblait prometteur, et finalement c'était décevant, sans doute à cause d'un scénario trop mou (alors que pourtant il y avait des acteurs de qualité et des moyens financiers).<br /> J'aimerais bien avoir votre avis sur les séries françaises actuelles et l'orientation que prend la profession.
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S
La série avec Diefenthal s'appelle David Nolande. Je suis d'accord avec vous sur le scénario trop mou. Mais j'ajouterai aussi qu'il y a comme un problème à utiliser le vieux cliché de la malédiction tzigane sans y mettre une pointe d'humour (contrairement à ce qui avait été fait dans Angel). Et puis la réalisation très clipesque fonctionne plus sur des effets que sur du storytelling. Donc on peut donner des points pour les bonnes intentions, mais c'est loin d'être convaincantLes séries de Canal+ pour ce que j'en ai vu semble aller dans une direction prometteuse, mais pour l'instant je n'ai rien vu qui puisse se comparer aux standards américains. Engrenage m'a semblé par exemple très mauvais. Manque de nuance et de savoir-faire pour carcériser les personnages. Et puis, faire une série demande de se renseigner un tout petit peu sur son sujet, ce qui aurait pu ici éviter quelques situations simplistes et incohérentes. Si Canal+ veut créer des séries comparables à HBO, ils seraient bien inspirés de mettre en place un système permettant à des showrunners eux-mêmes scénaristes de diriger les séries en toute liberté. Quitte à annuler une série si elle ne donne pas satisfaction. Au moins ça a le mérite d'être un système clair...La grande tendance, c'est de faire des remake de séries américaines. CSI, Law and Order, Urgence/Grey's Anatomy (mais il faut peut-être que je donne une chance à Hopital sur laquelle j'ai reçu des avis contradictoire et qui semble s'être vautrée à l'audimat). C'est selon moi une mauvaise direction. S'inspirer des américains oui, mais quel est l'intérêt de refaire ce qu'ils font déjà très bien ? Il serait plus intéressant de s'inspirer de leur méthode, de leur savoir-faire, bref du fond, plus que de la forme. Et chercher ce qui dans notre société et dans notre culture propre peut créer des situations dramatique propre à soutenir l'intérêt d'une série tout en offrant des thèmes inépuisables aux scénaristes. Mais pour cela, il faut des responsables capables de comprendre ce qu'implique le développement d'une série (et ce n'est pas gagné)...J'ai quelques doutes sur le désir réel des télés françaises de créer des séries de qualité, mais attendons, il se passera peut-être quelque chose. Pour l'instant je travaille surtout pour le cinéma, mais je reste ouvert aux possibilités de revenir à la télévision, mais pas à n'importe quel prix ni pour n'importe quoi, car ma conviction est que la série télévisée devrait être la voie royale pour les scénariste. Mais pour cela il faut de la liberté et une structure intelligente qui ne mette pas les auteurs en demeure de justifier leurs choix devant des gens qui n'ont jamais écrit de scénarios. Je suis paradoxalement pour les screen previews (qui permettent de tester les réactions du public et de corriger le tir sur un pilote), mais j'estime que les directeurs de la fiction sur les chaînes de télé française ont un poids trop décisif sur le contenu des séries.