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Articles Par Mois

26 septembre 2007 3 26 /09 /septembre /2007 13:08

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La série House M.D. (Docteur House en Français), créée par David Shore, tourne autour d'un médecin génial (Gregory House) misanthrope, excentrique, impossible à vivre mais totalement dévoué à son obsession : vaincre la maladie en trouvant le bon diagnostic sur des cas en apparence insolubles. Lui-même a été victime d'un infarctus qui l'a laissé infirme d'une jambe, raison pour laquelle il arbore une canne, et prend des antalgiques puissants à longueur de journée (mais la série suggère qu'il était probablement drogué avant sa maladie). House n'a qu'un seul ami : un oncologue dénommé James Wilson à la fois dévoué et souvent agacé par l'incapacité de House à transiger.

Pour guérir ses patients, House est prêt à tout ou presque. Même s'il doit tourner le code de déontologie dans tous les sens. La seule chose qu'il essaye d'éviter à tout prix... c'est de rencontrer ses patients... Ce qu'il ne fait qu'en dernière extrémité.

House est aidé par trois jeunes médecins qui s'occupent de l'aspect "humain" du travail. Chacun de ces personnages est traité avec autant d'attention que House lui-même par les scénaristes et le rapport haine/amour respect/indignation qu'ils entretiennent avec House est l'un des ressorts dramatiques les plus puissants de la série. Il leur arrive souvent de s'opposer à House voire de lui désobéir. Parfois à tort, parfois à raison.

House est une série policière dont le criminel serait la maladie. Tous ces puzzles que cherche à résoudre House semblent être constitués de la vie même des gens (ce qu'ils mangent, leur passé, leurs mensonges, car ce qu'on cache en révèle beaucoup sur nous). A travers ces enquêtes qui pourraient être purement absconses pour le non-spécialiste, la série arrive à traiter des sujets les plus essentiels (les SDF, l'intuition, la confiance, la fidélité etc.).

Ce qui m'a frappé, c'est que la série montre la science (et pas seulement la science médicale) comme on ne la voit jamais : pas seulement triomphante, mais arrogante, souvent aveugle, déroutante, abrupte, avançant par des convictions autant que par des connaissances, avec parfois quelque chose d'inhumain dans ses méthodes, et quand même faillible...

D'autres ont déjà pointé que la série fait de fréquents et explicites parallèles entre House et Holmes. Mais si Sherlock Holmes, excentrique génial à la force physique impressionnante, incarnait les miracles de la science triomphante et irrésistible du XIXème siècle, House (non moins excentrique génial, mais affaibli par une douleur constante à la jambe) incarne la science d'aujourd'hui toujours arrogante, mais cependant moins totalitaire, moins inaccessible. Les déductions de House sont questionnées, examinées et, malgré son génie, il doit faire la concession au genre humain de traiter des cas "sans importance"… pour pouvoir continuer son travail (imaginons un instant Sherlock Holmes contraint de faire des filatures de mari infidèles pour avoir le droit résoudre le cas du Chien des Baskerville).

Comme Holmes, House est hyperconfiant dans sa supériorité intellectuelle et assez agressif quand on la met en doute, ce qui peut être perçu comme de l'arrogance (et, en fait, c'est une forme d'arrogance,). Surtout, il méprise ouvertement l'autorité administrative et – comme Holmes – l'autorité suprême des conventions sociales. Mais cette arrogance est plus perçue que réelle. Le fait est que ni Holmes ni House ne sont modestes, parce qu'ils considèrent que c'est une perte de temps et d'énergie. Il ne faut pas pour autant confondre cela avec un sentiment de supériorité absolu. L'un comme l'autres sont des réalistes capable d'assumer et reconnaître leurs erreurs (je dirais même qu'ils se les reprochent plus durement que la plupart des gens). Et en fait, ils ne pensent pas que leur supériorité intellectuelle les rende intrinsèquement supérieurs. Ils veulent juste que leur compétence soit établie d'entrée de jeu de façon à avoir plus de temps à consacrer à leur obsession (les affaires criminelles pour Holmes, les maladies pour House) et moins à la politesse.

La science peut elle-même être perçue comme arrogante parce qu'elle cherche la vérité, sans se préoccuper si cette vérité est convenable. Elle semble encore plus insupportable lorsque l'efficacité l'oblige à faire appel à l'argument d'autorité : "on ne peut tout expliquer à tout le monde donc si on vous dit quelque chose, il faut nous croire parce que nous avons des compétences et un immense savoir dans le domaine"... Malgré leur propension à faire appel à cet argument quand le temps presse, House et Holmes sont néanmoins des modèles de pédagogie scientifiques qui expliquent quand ils le peuvent leur démarche et leurs déductions à ceux qui les entourent.

House, de plus, propose une intelligente réflexion sur la construction narrative. Comme beaucoup de spectateur, j'imagine, la plupart des raisonnements des médecins lorsqu'ils dont leurs "diagnostiques différenciels" me passent au-dessus de la tête. Et je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de gens chez eux qui s'écrient lorsque House découvre enfin quelle maladie au nom imprononçable ronge son patient : "Bon sang, mais j'aurais dû m'en douter !". House est un whodunnit (genre policier qui s'axe autour de la seule recherche et découverte du coupable, où s'illustra Agatha Christie) dont l'intrigue et la résolution n'ont absolument aucune importance. La recherche du coupable est ici réduite à un macguffin (terme inventé par Hitchcok pour désigner ce qui, dans une intrigue, passionne les héros et les met en mouvement, mais n'a qu'un intérêt modéré pour le spectateur). Dans House, ce n'est pas la résolution qui importe, mais le mouvement des personnages, la façon dont les égos s'affrontent, la complexité des choix éthiques, l'impact de la maladie sur l'entourage du patient et le suspense généréré par le compte à rebours ("Si nous n'avons pas trouvé de solution, ce patient perdra l'usage de ses reins dans trois heures..."). House démontre en fait qu'il est possible de passionner les spectateurs avec une énigme quasi abstraite et en tout cas absconse, mais dont les enjeux sont clairs : en général, la vie d'un être humain.

Mais le grand intérêt de House, c'est la personnalité complexe de son héros, incarné par Hugh Laurie. Fascinant et dérangeant, House nous agace, nous touche et nous bouscule dans nos habitudes de pensées. Il pointe l'absurdité de l'attitude moderne qui considère que la communication et la présentation sont plus importantes que la compétence et le résultat. Lorsque on veut accomplir quelque chose qui en vaille la peine, vouloir en premier lieu être aimé risque fort de se mettre en travers du but recherché.

On pourrait croire que House ne s'aime pas… Il est plus vrai de dire qu'il n'a aucune indulgence envers lui-même.
La force de House, c'est peut-être que son ego est si énorme qu'il n'a pas besoin d'être flatté, ni encouragé. Il semble plutôt qu'il ait décidé, il y a longtemps, ce qui importait pour lui – soigner les cas impossibles – et qu'il écarte tout ce qui le gêne, même s'il doit pour cela mettre sa carrière en jeu ou aller contre le désir du patient lui-même. Son abus d'analgésique pourrait bien en fait procéder de ce choix - la douleur est un obstacle de plus. La vraie drogue de House, ce sont les mystères qu'il veut percer, la Vicodine n'est en réalité qu'un symptôme de cette obsession morbide… C'est ce qui fait de House un mélange idéal de formula show et de série feuilletonnante, car l'accumulation, le passage d'un cas à l'autre, semaine après semaine, est un dispositif essentiel pour dresser le portrait de cet obsessionnel, ce Sisyphe déterminé à percer les énigmes des corps qui souffrent.



****


Une note pour finir, il faut absolument regarder la série en VO car le sens de certaines répliques ont été changés en VF. L'exemple le plus célèbre est celui de la cigarette prescrite par House a un patient qui se transforme en riz complet en VF. Lorsque le patient demande juste après "mais ça ne va pas me rendre accro" ? on tombe évidemment dans l'absurde... Cette scène a pour but de rappeler que les médicaments prescrits par les médecins sont souvent aussi nocifs, voire plus, qu'une ou deux cigarettes. Grâce à TF1, les spectateurs français ne risquent pas de réfléchir sur les dangers de la surmédication, puisqu'apparemment, ce n'est pas plus grave qu'un abus de riz complet...

Note : J'ai repris ici pour le compléter un article au départ écrit pour le forum Serie Live.
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commentaires

N
merci pour ta réponse si tu pouvais me filer un lien vers un article qui parlerait de manière plus approfondie sur le personalite de House ?? Si tu le peux voilà mon adresse " nex@live.fr " merci pour tout !!!!! :D
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S
Je pensais plutôt à des articles. Voir par exemple dans le Meilleur des Série 2007 l'article de Martin Winckler.
N
J'ai trouvé ton article vrément génial, il y'a presque tous les détails de la série mais j'aurais aimé que tu puisse écrire un article sur le personnage HOUSE lui même et non sur la série. J'adore ta façon d'écrire, j'avais lu auparavant ton article sur DEXTER et la si tu pouvais eventuellement faire un ptit truc pour HOUSE, sa serait " AWESOME " !House reste l'un de mes idoles même si c'est un personnage fictif.Voila mon msn perso : nex@live.fr si tu veux parler sur ce sujet :DBravo encore pour l'article !!! ;)Bonne continuation !!
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S
J'ai trouvé ton article vrément génial, il y'a presque tous les détails de la série mais j'aurais aimé que tu puisse écrire un article sur le personnage HOUSE lui même et non sur la série. J'adore ta façon d'écrire, j'avais lu auparavant ton article sur DEXTER et la si tu pouvais eventuellement faire un ptit truc pour HOUSE, sa serait " AWESOME " !Merci pour les compliments. House reste une de mes séries préférées, mais il me semble qu'en cherchant un peu, il existe déjà pas mal d'articles sur le personnage lui-même (que ce soit sur la comparaison avec Holmes ou sur sa mysanthropie). Il y a aussi un petit début d'analyse du personnage dans la réponse au commentaire précédent. Mais effectivement, si je trouve un angle nouveau pour parler du personnage lui-même, je n'hésiterai pas. En l'occurence, c'est un autre cas où il me semble qu'en parlant de l'histoire on parle aussi du personnage...
V
Je n'ai vraiment pas accroché à cette série :Une série policière , c'est exactement ce que la médecine n'est pas et ne sera jamais.Et c'est cela qui m'empèche de trouver crédible la situation du D.house.De plus la médecine n'est pas une science à proprement parler.Le patient est la seule raison d'être de la médecine ; de même que la voiture est la seule raison d'être de l'industrie automobile.C'est un élément soudé à cette pratique, indisociable on ne peut pas l'ignorer et prétendre une seule seconde être médecin.Pas plus qu'un rédacteur en chef d'un tabloïd médiocre ne peut prétendre être journaliste.Si la vision apportée de la médecine dans d.house est innovante elle ne peut s'empecher d'être malsaine.Enfin c'est ce que je ressens en regardant la série.En espérant avoir bien rendu compte de ma vision des choses.
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S
Je n'ai vraiment pas accroché à cette série.Je vais répondre point par point au reste, mais je tiens à dire que je ne remets pas en cause votre droit absolu de ne pas accrocher à cette série et que les arguments qui suivent n'ont pas pour but de vous convaincre d'y accrocher. Je répond juste aux rationalisations. Mais je sais bien que ne pas aimer est, au-delà de toute rationalisation, une affaire de penchant personnel. Une série policière , c'est exactement ce que la médecine n'est pas et ne sera jamais.La médecine ne sera peut-être jamais une série policière… mais rien n'empèche une série policière d'être aussi une série médicale ou une série médicale d'être aussi une série policière... En l'occurence, House ne prétend pas être le portrait de la médecine quotidienne, mais tourne autour d'un diagnosticien fictif et présenté comme tel. House n'est pas et ne cherche pas à être un personnage vraisemblable. Son intérêt est ailleurs. La série tourne autour du diagnostic et non des autres aspects de la médecine, et présente à chaque épisode des cas ultra-rares et presque impossibles à résoudre, parce que c'est son postulat et que ce postulat permet à la fois de créer le drame (au sens d'action) et de dégager des thèmes intéressants. House ne cherche pas à être réaliste sur la vie quotidienne des médecins et sur les cas rencontrés (en revanche elle tente d'être réaliste en ce qui concerne la méthodologie des diagnostic ainsi que les termes médicaux).Il est à noter que la série a été inspirée par le livre de Berton Roueche "The Medical Detective" qui raconte de façon vulgarisée des cas authentiques de diagnostiques rendus possibles par des enquètes policières et des déductions complexes. Le livre cherchait précisément à montrer qu'il y a parfois dans la médecine une dimension "policière." Ce n'est d'ailleurs pas une coïncidence si Conan Doyle, inventeur du plus célèbre des détective, était lui-même médecin et s'était inspiré du Dr Joseph Bell, l'un de ses professeurs et de ses capacités d'observation et de déduction impressionnantes, pour créer Sherlock Holmes. Et c'est cela qui m'empèche de trouver crédible la situation du D.house. Il s'agit ici du postulat même de la série. Décider que ce postulat n'est pas crédible (ce qui n'a aucune importance, une œuvre de fiction n'a pas à être crédible), c'est faire le choix de refuser la Suspension Volontaire d'Incrédulité. Ce choix personnel d'un spectateur est indépendant des auteurs ou de la qualité de la série. Voir sur le sujet, cet article. De plus la médecine n'est pas une science à proprement parler. Le travail de détective n'est pas non plus une science. Mais Sherlock Holmes peut tout de même être vu comme une métaphore de la science triomphante et de la méthode scientifique. De même, House montre que le travail de diagnostic dépend (dans les cas exotiques nécessaires par le postulat même de la série) de la méthode scientifique : trouver une théorie plausible sur ce qui se passe en tenant compte des connaissances acquises, essayer de la prouver ou de la corroborer par l'observation (des examens) ou des expériences, si cela ne marche pas essayer une nouvelle théorie, etc. De plus la personnalité de House – et même son boitillement – ainsi que ses fréquentes erreurs et son impopularité me semble une transposition moderne de la métaphore de Conan Doyle, différente parce que les éléments mentionnés plus hauts font que House n'est pas triomphant comme l'était Holmes, mais correspond à notre (par notre, j'entend celle des profanes dans mon genre) vision contemporaine de la science. Fascinant par sa complexité, House est aussi pour une part, comme le sont souvent les héros populaires, un concept incarné. C'est l'équilibre entre la mythologie et la caractérisation qui fait l'intérêt du personnage. Par ailleurs, House n'ignore pas ses patients. Il dit juste qu'il le fait. Dans les actes, il défend leur intérêt, il est capable de mentir pour eux et de mettre sa position en jeu, il prend même des risques personnels. En fait cela participe de la complexité du personnage. House ne dit pas ce qu'il fait et ne fait pas ce qu'il dit. Si House veut conserver du recul et ne pas rencontrer ses patients, ce n'est pas pour des raisons de méthode, mais au fond pour des raisons personnelles, voire égoïstes. House dit même dans le premier épisode qu'il est devenu médecin pour traiter les maladies et non les patients, parce que traiter les patients rend la plupart des autres médecins malheureux. (Il se présente donc comme une exception et il est évident que House n'est pas un modèle vertueux, contrairement aux héros des séries françaises). Si la vision apportée de la médecine dans d.house est innovante elle ne peut s'empecher d'être malsaine. Je comprends qu'on puisse trouver la vision de la médecine par le personnage de House "malsaine" (même si je ne suis pas forcément d'accord). Mais je ne crois pas que la série, elle, présente une vision unique de la médecine à travers les propos de House. Au contraire, chaque épisode présente une multiplicité de points de vues (en particulier à travers les personnages de Cuddy, de Wilson et des trois aides de House). Parfois House a raison. Parfois il a tort. La série n'héroïse pas la posture de House ni sa misanthropie. Ce qui importe, c'est plus de bousculer les habitudes de pensées des spectateurs et de créer le doute. Je ne vois pas en quoi la série serait malsaine, car elle ne manipule pas le spectateur. (Ce que j'appelle manipulation est une façon de raconter qui oblige le spectateur à adopter un seul point de vue sur le monde et les problèmes posés). Ici le spectateur a toujours la possibilité d'être en désaccord avec les personnages. Le personnage de House est souvent remis à sa place et les discussions éthiques ne sont jamais tranchées définitivement par une conclusion moralisante. Même lorsque House sauve son patient en tordant le cou à la déontologie, le fait de considérer qu'il ait eu raison ou tort d'agir ainsi reste de la liberté du spectateur. La question n'est pas d'être d'accord avec le discours de House, mais de faire la différence entre l'apparence et la réalité. "Tout le monde ment" est le postulat de House. Cela signifie donc que lui aussi. Je vois mal comment cela peut être malsain. La série ne montre pas House comme un modèle : Wilson est à l'évidence meilleur médecin - en tant que praticien - que House. La capacité de House a résoudre les cas impossibles lui serait évidemment inutile en tant qu'oncologue, et cela est mentionné dans la série. Wilson est donc le vrai soignant, celui qui doit annoncer lui-même aux patients qu'ils ont un cancer, et les aider à y faire face.Par ailleurs, attention, si vous avez découvert la série en VF, à ne pas la juger là dessus en raison des fréquentes "erreurs" de traduction visant à rendre la série "politiquement correcte".
A
Je trouve ton analyse vraiment pertinente. Il est vrai que House M.D se rapproche franchement plus d'une série policière que Grey's Anatomy, voire Scrubs.J'aime aussi beaucoup la façon dont les auteurs jouent avec les préludes pour surprendre le spectateur.
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S
Il est vrai que House M.D se rapproche franchement plus d'une série policière que Grey's Anatomy, voire Scrubs.Oui. Je parlerai surement de Grey's Anatomy un de ses jours, mais j'hésite à écrire un article entier dessus, parce que c'est une série que je n'aime pas du tout. J'aime aussi beaucoup la façon dont les auteurs jouent avec les préludes pour surprendre le spectateur.Oui, ces préludes ne sont pas sans rappeler ceux de Six Feet Under, d'ailleurs…