Super de James Gunn est un excellent film. Et pourtant, son approche violente, originale, parfois drôle mais dénuée de glamour du super-héros, lui a valu le refus pur et simple des distributeurs français. Honte sur eux ! En clair, un super-héros peut frapper et tuer autant d'adversaires qu'il veut, mais il ne faut pas que cette violence ait de conséquences qui ressemblent un tant soit peu à la réalité. La violence du genre peut être jolie à regarder, mais pas choquante. Voilà qui s'appelle purement et simplement de l'hypocrisie. Super, il me semble, aurait pourtant pu trouver son public dans notre pays…
Super n'est pas une adaptation de comic books, plutôt une version déguisée de Don Quichotte (au passage, le Sancho Panza du film est une pure trouvaille). Le film n'avait donc pas vocation à prendre la place de Captain America au box-office, cependant lui retirer toute chance d'être découvert au cinéma prouve la déchéance des distributeurs en France, un pays où les films de genre atypiques et intelligents venus des USA étaient autrefois montrés dans les salles, même quand ils n'avaient pas cartonné dans leur pays d'origine.
Enfin… passons sur ce triste constat pour parler un peu du film.
Si, dans la réalité, un type décidait de devenir un super-héro et parvenait à ses fins, il ressemblerait probablement à Rainn Wilson dans Super, cest à dire un gars plus qu'à moitié schizo, solitaire et dépressif. Si James Gunn, réalisateur du jouissif Slither, ne glorifie d'ailleurs pas son personnage (sauf dans un plan semi-iconique, rapidement évacué par la violence absurde qui suit), il montre en revanche une vraie compassion pour lui. Evitant l'écueil du ricanement (qui est exactement la raison pour laquelle le roman de Cervantès déçoit et se montre inférieur au mythe qu'il a créé), le film ne donne pas non plus de leçon de morale, mais suit jusqu'au bout les conséquences tragiques de sa croisade absurde, douloureuse et psychorigide, contre le crime.
Super est un film de super-héros ancré dans la réalité, traversé d'une réelle humanité (le side-kick du "méchant" ne dit que trois mots dans le film mais un plan sur son regard le rend soudain plus humain que le personnage de Mickey Rourke dans le dernier Iron Man). Il n'y a donc pas lieu de s'étonner que les scènes de violence montrent des êtres de chair et de sang (littéralement), c'est juste cohérent avec le projet. Le rire qui fuse parfois, cruel et drôle, me semble aujourd'hui aussi subversif – mais respectueux envers le genre abordé – que celui que provoquent à l'occasion les westerns de Sergio Leone. Super flirte peut-être avec la comédie, mais sans jamais vraiment chercher à la mettre dans son lit.
Malgré tout le bien que j'en pense, Super n'est probablement pas le film qui dynamitera le film de super-héros, simplement parce que le temps de le faire n'est pas encore venu. En revanche, il se classe pour moi parmi les très grandes réussites du genre.