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Articles Par Mois

22 septembre 2007 6 22 /09 /septembre /2007 04:35
Construire une histoire est un art difficile. Beaucoup croient qu’écrire, c’est simplement savoir faire de jolie descriptions, des personnages pittoresques et des dialogues brillants, mais il y a beaucoup plus. Aux USA, la construction des scénarios est considéré comme un art exigeant et complexe qui fait partie intégrante du travail de scénariste et constitue même un critère incontournable pour juger de sa valeur.

J'entend encore trop souvent dire que la construction d’un scénario est affaire de « recettes » et d’ « ingrédients ». C’est une grosse erreur : la construction est un processus délicat qui, comme toute création, dépend parfois de conventions mais s’appuie sur un savoir-faire particulier et nécessite pour être réussie que le scénariste soit à la fois rigoureux, honnête, imaginatif et talentueux. La force émotionnelle d’une histoire tient sur la façon dont les évènements s’agencent, dont les personnages interagissent et évoluent. Même si certains type de constructions semblent rigides (le dessin animé pour enfant où "un personnage différent travaille à être accepté malgré et pour sa différence"), ce sont les variations dans cette construction, les particularités, bref l’inventivité de la construction qui feront le succès de l’histoire.

Aux USA, un concept de série ou de film doit tenir dans un pitch, c'est à dire un résumé en une ou deux phrases. Par exemple : « Une série sur le senior staff de la Maison Blanche » ou encore « Sous l’Empire romain, un général déchu devient gladiateur et défie un usurpateur depuis l’arène. » Si le pitch est accepté par la chaîne ou le producteur, le développement de la série ou du film peut commencer, et le scénariste sera payé immédiatement.

En France, si vous tentez d'intéresser une chaîne ou une maison de production sur un simple pitch, que ce soit au cinéma ou à la télévision, vous aurez droit à des regards incrédules...

Même quand un producteur vient vous chercher, il faut souvent lui mâcher le travail sous la forme d'un synopsis très étoffé pour qu'il mette la main à la poche. Tout cela sans garantie ni contrat. Et le plus souvent, ce synopsis doit être rendu dans le mois qui suit et sera impitoyablement critiqué à la façon d’un produit fini, alors qu’il ne peut à ce stade être rien de plus qu’une intention.

Le problème c’est que dans le processus d'écriture d'un scénario, construire l’histoire peut être un processus très long… alors que la rédiger est un processus assez court. Par exemple, sur le dernier scénario pour lequel j’ai travaillé (en spec, c'est à dire sans commande) avec David Sarrio et Antoine de Froberville, il a fallu plus de six mois de travail de recherches et de construction pour arriver au point ou l’histoire pouvait être à peu près définie. La rédaction, elle, a pris un mois. Et aucun synopsis (au sens où l'entendent les producteurs) n’a été rédigé au préalable.


Mais revenons à notre producteur français… si le synopsis ne lui plaît pas, il n'hésitera pas à en commander une autre version, toujours sans payer. Et s'il décide finalement après plusieurs tentatives que le scénariste ne convient pas, il se dirigera vers quelqu'un d'autre (c'est son droit). Ce qui est moins normal c'est que le premier scénariste a travaillé plusieurs mois sans être payé. Qu'un travail commandé et effectué puisse ne pas être payé vous paraît bizarre ? On est d'accord. Le producteur prend très peu de risques...

Cela n’est pas seulement une différence de système, c’est aussi une différence de philosophie sur ce qui importe dans un scénario. Nombreux sont les scénaristes anglo-saxons qui ne rédigent jamais de synopsis. Et s’ils doivent le faire, c’est souvent après la rédaction, jamais pour convaincre les producteurs d’investir dans un développement puisque pour ceux-ci la construction est une part essentielle du développement d'un script. Bien sûr il existe des scénaristes anglo-saxons qui rédigent un synopsis avant la rédaction, mais c’est un choix dans la méthode non une obligation, et ils n’ont aucune obligation de montrer le synopsis à qui que ce soit.

Or, lorsque l’on compare les différences entre les films américains et français – et c’est encore plus vrai pour les séries – ce qui pêche en France, c’est souvent la construction. Les fameux problèmes de rythme, d’intensité, dont se plaignent les spectateurs dépendent de la phase de construction, celle qui n’est, en cas de commande, pas payée en France, sur laquelle tout le monde et n'importe qui se croit autorisé à donner son avis et qu'il faut effectuer à la va-vite... A chacun d’en tirer une conclusion.
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commentaires

F
<br /> 22 septembre 2007... Y a-t-il un changement de mentalité dans le milieu, depuis ?<br />
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S
<br /> <br /> Pour le cinéma, il y a un soubresaut perceptible… Certains producteurs demandent plus souvent ce qu'aux USA on appelle des "long pitch" c'est à dire des éléments de l'histoire propre à exciter<br /> l'envie, plutôt que des synopsis détaillés. Ils l'appellent toujours synopsis, mais disent tout de suite : "Enfin, pas vraiment un synopsis, donnez-moi deux trois feuilles sur la direction<br /> générale". C'est clairement un mieux, mais ce n'est pas encore généralisé. Pour la télévision en revanche rien ne semble vraiment avoir changé, sauf peut-être pour Canal, mais je n'ai rien<br /> proposé pour eux depuis un bout de temps…<br /> <br /> <br /> <br />