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Articles Par Mois

12 juin 2007 2 12 /06 /juin /2007 05:47

Il me semble parfois en les écoutant parler sur France Culture ou en lisant des articles critiques, que certains intellectuels n'apprécient une œuvre que dans la mesure où elle défendent les mêmes valeurs qu'eux, et adoptent le point de vue (particulièrement politique) qu'ils considèrent comme "juste". Et quels que soit l'intérêt, le plaisir ou les émotions qu'ils ont pu avoir lors de la projection, ils éliminent toutes ces considérations au moment de délivrer leur avis sur un film. Seul compte alors dans leur jugement, l'adéquation du film avec leurs idées. En cela, ces intellectuels ne diffèrent pas tellement de nombreux autres types de spécialistes. Je me souviens ainsi d'avoir un jour entendu un escrimeur qui juger les films de cape et d'épée en fonction de la vraisemblance des combats. Trop se focaliser sur un domaine d'expertise empêche de voir l'ensemble du tableau.

Ainsi en raison  du discours critique qu'elle inspire, perçoit-on trop souvent la fiction comme un moyen quelque peu alambiqué de transmettre des idées. Certes la fiction peut  parfois le faire... de même qu'un biscuit peut éventuellement être le réceptacle d'un proverbe chinois, sans que ce soit la fonction première des biscuits - et d'ailleurs tout ceux qui ont mangé des fortune cookies savent aussi que ça peut être au détriment de son goût.

Plus spécifiquement, une fiction devrait-elle avoir pour but de délivrer une critique sociale, une position philosophique ou un message politique structuré ? J'ai tendance à penser que non. Et pour être quelque peu provocateur, je dirais même que l'art engagé a échoué à convaincre. Echoué à changer le monde, échoué à prévenir les guerres. Combien de films contre la guerre du Vietman ai-je vu ? Je ne sais pas, j'ai perdu le compte. Si les films avaient le pouvoir de changer le monde, de modifier les esprits en profondeur, la génération actuelle de jeunes américains élevés au temps du DVD et de la télé par câble n'aurait-elle pas refusé de partir se battre en Irak ?

Qu'ils n'aient pas changés le monde n'empêche pourtant pas certains films contre la guerre du Viet-Nam d'être des chefs d'œuvre. Parce qu'au-delà d'une attitude militante, ils expriment surtout des émotions nécessaires et créent des images qui nous hantent.

Et à l'inverse, je ne crois  pas que la fiction puisse être d'une façon systématique un outil de propagande ou qu'en "véhiculant des clichés" elle puisse servir de terreau particulièrement fertile aux préjugés, malgré cette crainte, profondément ancrée dans le discours moderne sur la fiction populaire. Cette peur qu'une œuvre populaire puisse servir à propager ou faire accepter inconsciemment des idées suspectes, parfois sans que son auteur en soit même conscient, me semble en fait assez irrationnelle (dans le sens où être rationnel implique précisément de ne pas se couper de ses émotions… et que la fiction cherche avant tout à nous reconnecter avec nos émotions). Maintenant, je ne nie pas que les films de propagande existent, mais je doute qu'ils soient des instruments de manipulation, ou de lavage de cerveau, si efficaces que cela. Au plus servent-ils de validation à une entreprise de propagande déjà bien entamée par d'autres moyens (principalement tout ce qui a trait à l'information et devrait tendre à l'objectivité).

Pour paraphraser la série Kung Fu, la fiction ne sert peut-être pas tant à donner des réponses qu'à nous aider à comprendre les questions.
 
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commentaires

E
Le début de mon commentaire précédent est mal passé : ma phrase "je suis d'accord avec cette vision des choses" est relative à la dernière ligne de l'article.
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E
><br /> Je suis d'accord avec cette vision des choses (même si je ne suis pas formellement contre le fait que la fiction <br /> <br /> présente un ou plusieurs éléments de réponse, tant que ça reste une proposition ouverte).<br /> Au demeurant certains films donnent, plus ou moins subtilement, des réponses, ou bien présentent des questions que <br /> <br /> l'on peut juger non pertinente ("à côté de la plaque"). Dans ces conditions, il n'est pas étonnant qu'un critique <br /> <br /> réagisse au contenu du film, indépendamment des émotions qu'il a pu ressentir. En pratique il est même probable que <br /> <br /> le positionnement du film ait carrément empêché l'émotion de s'installer.<br /> Je vais prendre un exemple précis et personnel qui, j'en suis sûr, est bien connu d'un certain nombre visiteurs de ce <br /> <br /> site... Battle Star Galactica (série de SF dont le niveau artistique est élevé et le niveau technique le plus élevée <br /> <br /> jamais atteint pour une série de SF), présente un groupe (représentatif ?) de personnes qui ont l'habitude de vivre <br /> <br /> en démocratie mais qui, individuellement, sont pourtant particulièrement peu empreint de valeurs démocratiques. Ca ne <br /> <br /> correspond pas à ma vision de l'Homme, à partir de là, il s'agit soit d'une invraissemblance soit du principe que le <br /> <br /> peuple présenté est significativement différent de l'Homme de la planète Terre - assez différent pour que je ne <br /> <br /> puisse le comprendre, et donc m'intéresser à son évolution (et, en particulier, ressentir des émotions par empathie). <br /> <br /> Dans les deux cas, tout le contexte politique et, de fil en aiguille, toutes les intrigues qui reposent sur ce <br /> <br /> contexte deviennent sans intérêt pour moi. C'est un pan entier du Drame qui s'effondre. Bref, le fait que le film ne <br /> <br /> pose pas les "bonnes" questions (que ce soit à cause d'une invraisemblance ou d'un parti pris de créer un peuple différent de l'Homme) réduit considérablement, à mon sens, la valeur que je peux lui accorder (en tout cas les épisodes qui reposent sur cette partie du contexte). Je tomberais donc dans le "travers" (si c'en est un) dénoncé par l'article ci-dessus. Ce n'est pas tant que je ferai abstraction de mes émotions que la fiction aura échoué à me les faire ressentir de part son positionnement.<br /> <br /> Je ne me porte pas complètement en faux avec l'article ci-dessus. Il me paraît très pertinent. Je pense simplement qu'il ne faut pas aller jusqu'à dire que le point de vue d'un film (en particulier politique) ne devrait pas avoir d'impact sur la valeur estimée d'une oeuvre. C'est un fait que cet impact puisse exister.
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S
Au demeurant certains films donnent, plus ou moins subtilement, des réponses, ou bien présentent des questions que l'on peut juger non pertinente ("à côté de la plaque"). Bien sûr. Je pense juste que lorsque la fiction répond aux questions frontalement, elle n'est pas à son meilleur. Un élément de réponse comme tu le dis ce n'est justement pas une réponse, c'est probablement ce que j'appelle quant à moi "comprendre la question". Ce que je remets en question (sans apporter de réponse définitive) c'est l'idée même qu'un film soit là pour délivrer un message, non pour traiter une question. Maintenant, ça n'empêche pas des films militants comme ceux de Ken Loach d'être parfois des chefs d'œuvres, mais peut être est-ce précisément parce qu'ils ne cherchent pas à imposer leurs réponses aux spectateurs, en lui laissant la liberté d'y réfléchir et de décider par lui-même, y compris de lui permettre de rejeter le propos du film dans son ensemble s'il le désire. Chez Kenneth Loach les personnages ne sont jamais "exemplaires", ils sont avant tout humains, complexes et autonomes, donc individualisés, et leurs drames, souvent inscrits dans le contexte politique critiqué par Kenneth Loach, n'excluent pas qu'ils aient des motivations et des désirs indépendants de celui-ci. Par ailleurs poser une question à côté de la plaque, comme tu dis, c'est le contraire même de ce que j'appelle comprendre les questions... Dans ces conditions, il n'est pas étonnant qu'un critique réagisse au contenu du film, indépendamment des émotions qu'il a pu ressentir. Je ne m'en étonne pas, c'est peut être dans leur nature. Je pense juste que c'est néfaste à leur but avoué qui est de critiquer (dans le sens d'analyser) une fiction. Comment est-il possible d'interprêter et juger le contenu d'un film qui a provoqué une émotion, sans prendre celle-ci en compte, et sans chercher d'abord à comprendre ce qui l'a provoquée ? N'est-ce pas prendre le risque de tomber dans le délire interprétatif et donc passer à côté du contenu (qui dépendra la plupart du temps pour une fiction des émotions qu'elle cherche à provoquer) ?Bien que j'admette que certains artistes pourraient éventuellement chercher à éviter à tout prix l'émotionnel, je postule que, faisant cela, ils se trompent de médium et que la fiction n'est pas adaptée à leur projet - réfuter ou corroborrer ce postulat demanderait de longs développements. Il s'agit d'une position dont je peux admettre qu'on la considère comme discutable mais je ne tiens pas particulièrement à prouver ce que j'avance ici. Qu'il suffisse de savoir que la fiction sans émotion et purement transmettrice d'idées est pour moi sans valeur… et passons à autre chose. Provoquer une émotion n'est évidemment pas le seul but d'une fiction. Un critique qui dirait "j'ai ri/pleuré/eu peur, c'était génial" ne ferait pas plus son travail que celui qui ignorerait l'aspect émotionnel d'une fiction, mais je dois bien admettre que cette phrase me semble plus "acceptable" qu'une analyse purement intellectuelle qui ignore l'aspect émotionnel d'une œuvre pour se contenter de lui plaquer une grille d'interprétation (politique, sémiologique ou autre). Pourquoi ? Parce que reconnaître ses émotions et en tirer une conclusion sur la qualité d'une œuvre me semble en soi une démarche valide lorsqu'on a affaire à la fiction (bien que ce soit insuffisant pour prétendre à un regard critique). Une critique, disait André Bazin, devrait idéalement chercher à prolonger le choc de l'œuvre d'art le plus loin possible dans l'intelligence et la sensibilité de ceux qui la lisent. Ce qui signifie selon moi comprendre les émotion provoquée, expliquer par quels moyens elle y parvient, et les raisons pour lesquelles il est pertinent que l'œuvre en question cherche à provoquer cette émotion. Que ce soit (entre autre) parce qu'elle cherche à attirer notre attention sur un aspect particulier de notre humanité, parce qu'elle tente de provoquer une fascination, de briser nos habitudes, ou pour le simple fait de nous permettre de reconnaître que cette émotion émotion existe, profiter du fait de la ressentir sans qu'elle nous affecte au plus profond de notre être et éventuellement nous en purger (comme dirait Aristote).Je répond sur l'exemple de Battlestar Galactica directement sur mon blog, parce que cela demande un développement considérable et que cela permet de traiter quelques unes des raisons même qui m'ont fait ouvrir ce blog...