22 octobre 2008
3
22
/10
/octobre
/2008
11:00
Là où, dans leur adaptation de The Office, les Américains ont choisi la voie difficile de s'écarter de l'original anglais pour mieux l'adapter aux particularités de leur société, proposant ainsi une version très infidèle, mais pertinente et intelligente, les Français ont choisi la voie facile du remake au gag près. La première saison du Bureau se contente ainsi de suivre la trame narrative de l'originale en transposant des références de la version anglaise à l'environnement français (il y a bien tout de même quelques gags originaux, mais aucun ne sert à approfondir les personnages).
Cette adaptation, faite par Nicolas et Bruno, qui étaient derrière les très réussis "messages à caractères informatifs" souffre cruellement de la comparaison avec l'œuvre de Richy Gervais et Stephen Merchant. Pour ceux qui n'ont pas vu The Office (version anglaise ou même version américaine), Le Bureau peut faire illusion, parce qu'il subsiste assez du génie de l'original pour qu'elle puisse être dans de telles conditions être regardée avec plaisir. Mais pour quiconque a vu l'une ou l'autre version, la comparaison est accablante pour le remake français.
Il ne suffit pas de remplacer de la gelée anglaise par du fromage et transposer les références culturelles (le groupe Texas par Indochine, par exemple) pour faire une adaptation. Il faut aussi réfléchir sur les personnages et la thématique générale de la série. Malheureusement, les auteurs français n'ont pas été capable de faire ce service minimum. Gilles Triquet, équivalent français de David Brent, est un cliché ambulant de beauferie, là où David Brent parvenait à représenter une réflexion (au sens de miroir) de la société anglaise contemporaine.
De plus, pour que le patron de The Office existe, il faut en face de lui un Tim (ou un Jim) qui serve de relais au spectateur. Ici, Paul (leur équivalent français) a l'air d'un premier de classe (ce qui est rédhibitoire pour le rôle), et ne possède jamais la distance ironique ni la présence nécessaires à sa fonction narrative. Du coup, l'alchimie ne prend pas. La faute n'en revient pas à François Berléand, qui s'en sort plutôt bien, même s'il n'a pas tout à fait le tempérament comique d'exception nécessaire pour éviter que la caricature soit trop apparente. On ne peut cependant le condamner pour avoir été victime d'une erreur de casting. On se prend cependant à rêver de ce qu'aurait donner la même série avec un Alain Chabat (dont les qualités de comédiens se doublent d'un sens aigu de l'ironie)… et un meilleur casting autour de lui. Mais François Berléand est avant tout limité dans ses possibilités par une caractérisation inconsistante de son personnage.
Ce qui laisse rêveur, c'est de voir à quel point l'écriture parvient à un résultat si médiocre alors que l'adaptation est si fidèle. Les auteurs, plus gagmen que réellement scénaristes n'ont simplement pas réussi à se poser les bonnes questions. Le problème, c'est qu'en France la conscience de classe n'est pas du tout de même nature qu'en Angleterre. Du coup, nombre d'obsessions et de caractérisations de David Brent manquent leur cible lorsqu'elle sont adaptées fidèlement à Gilles Triquet. Sa participation à un groupe de pop dans sa jeunesse, par exemple, ancrée dans une réalité sociale en Angleterre devient grotesque pour un directeur régional en France. Et les gags très naturels qui en découlent dans l'original anglais donnent l'impression de passer en force dans la version française.
De même, l'humour lourdingue de David Brent, que Ricky Gervais manie avec maestria, devient, adapté à Gilles Triquet, un moyen inutile de souligner sa beaufitude – car la barque est déjà chargée. Alors que le personnage de David Brent est largement original dans le cadre de la comédie anglaise, Gilles Triquet provient d'un moule français plus traditionnel, déjà largement traitée par la troupe du spendid et nombre de comiques depuis trente ans. Il fallait trouver autre chose et – rêvons un peu – oser s'écarter tout à fait de la construction de la série anglaise pour centrer les épisodes sur nos propres aliénations et renouveler nos propres habitudes en matière de comédie. Bref, il fallait de vrais scénaristes, capables d'innover et de prendre des risques, comme l'ont fait les auteurs américains.
Le seul épisode de l'original qui semblait pertinent pour une adaptation française était celui du Quizz (Trivial Pursuit en France), mais les auteurs n'ont même pas fait l'effort de refléchir sur les complexes culturels si particuliers aux Français (avoir conservé ici la référence à M. Spock était totalement à côté de la plaque, d'autant que là où elle était révélatrice de la "culture" de David Brent, elle devient absconse pour caractériser Gilles Triquet, Star Trek étant trop peu connu par chez nous). Résultat : l'épisode en question n'est qu'une fade photocopie de la version anglaise, là où avec un peu de travail, il aurait pu être une critique grinçante de l'incompétence que nos élites dissimulent sous une culture d'étalage (malheureusement, il semble que les scénaristes soient eux-mêmes impressionnés par ce genre de culture).
Certes, dans le desert télévisuel de la sit-com en France, le Bureau fait illusion – et il fut largement loué par des critiques qui ne semblent pas avoir voulu faire l'effort de remonter aux sources. Ils auraient ainsi pu voir que ses principales qualités proviennent de la série anglaise qui, par comparaison, fait apparaître Le Bureau comme un travail d'amateur.
Cette adaptation, faite par Nicolas et Bruno, qui étaient derrière les très réussis "messages à caractères informatifs" souffre cruellement de la comparaison avec l'œuvre de Richy Gervais et Stephen Merchant. Pour ceux qui n'ont pas vu The Office (version anglaise ou même version américaine), Le Bureau peut faire illusion, parce qu'il subsiste assez du génie de l'original pour qu'elle puisse être dans de telles conditions être regardée avec plaisir. Mais pour quiconque a vu l'une ou l'autre version, la comparaison est accablante pour le remake français.
Il ne suffit pas de remplacer de la gelée anglaise par du fromage et transposer les références culturelles (le groupe Texas par Indochine, par exemple) pour faire une adaptation. Il faut aussi réfléchir sur les personnages et la thématique générale de la série. Malheureusement, les auteurs français n'ont pas été capable de faire ce service minimum. Gilles Triquet, équivalent français de David Brent, est un cliché ambulant de beauferie, là où David Brent parvenait à représenter une réflexion (au sens de miroir) de la société anglaise contemporaine.
De plus, pour que le patron de The Office existe, il faut en face de lui un Tim (ou un Jim) qui serve de relais au spectateur. Ici, Paul (leur équivalent français) a l'air d'un premier de classe (ce qui est rédhibitoire pour le rôle), et ne possède jamais la distance ironique ni la présence nécessaires à sa fonction narrative. Du coup, l'alchimie ne prend pas. La faute n'en revient pas à François Berléand, qui s'en sort plutôt bien, même s'il n'a pas tout à fait le tempérament comique d'exception nécessaire pour éviter que la caricature soit trop apparente. On ne peut cependant le condamner pour avoir été victime d'une erreur de casting. On se prend cependant à rêver de ce qu'aurait donner la même série avec un Alain Chabat (dont les qualités de comédiens se doublent d'un sens aigu de l'ironie)… et un meilleur casting autour de lui. Mais François Berléand est avant tout limité dans ses possibilités par une caractérisation inconsistante de son personnage.
Ce qui laisse rêveur, c'est de voir à quel point l'écriture parvient à un résultat si médiocre alors que l'adaptation est si fidèle. Les auteurs, plus gagmen que réellement scénaristes n'ont simplement pas réussi à se poser les bonnes questions. Le problème, c'est qu'en France la conscience de classe n'est pas du tout de même nature qu'en Angleterre. Du coup, nombre d'obsessions et de caractérisations de David Brent manquent leur cible lorsqu'elle sont adaptées fidèlement à Gilles Triquet. Sa participation à un groupe de pop dans sa jeunesse, par exemple, ancrée dans une réalité sociale en Angleterre devient grotesque pour un directeur régional en France. Et les gags très naturels qui en découlent dans l'original anglais donnent l'impression de passer en force dans la version française.
De même, l'humour lourdingue de David Brent, que Ricky Gervais manie avec maestria, devient, adapté à Gilles Triquet, un moyen inutile de souligner sa beaufitude – car la barque est déjà chargée. Alors que le personnage de David Brent est largement original dans le cadre de la comédie anglaise, Gilles Triquet provient d'un moule français plus traditionnel, déjà largement traitée par la troupe du spendid et nombre de comiques depuis trente ans. Il fallait trouver autre chose et – rêvons un peu – oser s'écarter tout à fait de la construction de la série anglaise pour centrer les épisodes sur nos propres aliénations et renouveler nos propres habitudes en matière de comédie. Bref, il fallait de vrais scénaristes, capables d'innover et de prendre des risques, comme l'ont fait les auteurs américains.
Le seul épisode de l'original qui semblait pertinent pour une adaptation française était celui du Quizz (Trivial Pursuit en France), mais les auteurs n'ont même pas fait l'effort de refléchir sur les complexes culturels si particuliers aux Français (avoir conservé ici la référence à M. Spock était totalement à côté de la plaque, d'autant que là où elle était révélatrice de la "culture" de David Brent, elle devient absconse pour caractériser Gilles Triquet, Star Trek étant trop peu connu par chez nous). Résultat : l'épisode en question n'est qu'une fade photocopie de la version anglaise, là où avec un peu de travail, il aurait pu être une critique grinçante de l'incompétence que nos élites dissimulent sous une culture d'étalage (malheureusement, il semble que les scénaristes soient eux-mêmes impressionnés par ce genre de culture).
Certes, dans le desert télévisuel de la sit-com en France, le Bureau fait illusion – et il fut largement loué par des critiques qui ne semblent pas avoir voulu faire l'effort de remonter aux sources. Ils auraient ainsi pu voir que ses principales qualités proviennent de la série anglaise qui, par comparaison, fait apparaître Le Bureau comme un travail d'amateur.