17 septembre 2008
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L'Institution de Binet, parue chez Fluide Glacial, était en avance sur son temps. Sortie en 1981, il s'agit d'une BD autobiographique très différente de la série des Bidochons qui ont fait sa célébrité (et à laquelle, affaire de goût, je suis moins sensible). L'auteur y raconte son enfance dans une pension catholique, apparemment dans la région de Pithiviers (il y fait mention de l'usine Gringoire, que je connaissais bien, ayant moi-même grandi là-bas). L'Institution raconte la vie quotidienne d'un enfant placé dans ces pensionnats religieux aux méthodes benoitement autoritaires, où dominent le mépris de l'individu et du corps.
Si on y retrouve par moment le talent de Binet pour l'humour grinçant et les portaits satiriques (l'Abbé Lespart et son pesant sermon de bienvenue suivis de l'exclamation plus "terre-à-terre" de l'abbé Breuil - voir ci-dessous), cette BD dévoile aussi une vraie tendresse pour certains personnage (monsieur Carol, Aupetit) et présente des situations dramatiques inhabituelles dans les albums Fluide Glacial, accentuées par des cadrages assez savant et des ellipses intelligentes (le chapitre intitulé le filleul a la force d'évocation d'une nouvelle de Maupassant).
Binet ne cache pas grand chose de la vie quotidienne dans ces Institutions (même s'il mentionne en passant dans son intro qu'il a fait l'impasse sur l'homosexualité "courante dans ce genre d'établissements") : il parle franchement des curés tripoteurs, des bonnes sœurs aux méthodes abusives (la revue caca est un sommet), des méchantes blagues entre "camarades de classe"… et l'humour (en pointillé) s'apparente ici plus à une forme de pudeur qu'à une fin en soi.
En toile de fond, Binet nous raconte le contexte de l'après guerre (un professeur rescapé d'Auschwitz et traumatisé pète un câble en plein cours) et en quelques vignettes floues nous livre une transposition saisissante de la perception de la guerre d'Algérie pour la jeunesse de l'époque. Contrairement à ce que j'ai pu lire, il n'y a à mon sens pas beaucoup de nostalgie dans cette chronique féroce d'une institution scolaire autoritariste au service d'une religion pesante et mortifère, et les enfants eux-mêmes n'y sont pas angélisés.
Aujourd'hui, cette BD serait probablement regardée comme étant plus ou moins dans la même veine que les œuvres autobiographiques de l'Association (Persépolis, l'Ascension du Haut-mal). Dans les années 80, c'était un OVNI, qui est encore à tort classé dans la B.D. d'humour. En ce qui me concerne, je considère l'Institution comme une très grande BD, une des œuvres les plus honnêtes sur l'enfance que j'ai pu lire, et l'une des rares narrations française à traiter le catholicisme de l'intérieur, sans tomber dans l'anticléricalisme primaire - bien que le constat soit, au final, accablant.
Dans les dernières images du livre, Binet nous laisse sur un enfant solitaire qui attend que ses parents viennent le rechercher, sa solitude, son sentiment d'abandon – dominés par un crucifix – nous frappe soudain comme étant le thème central de l'Institution, et la raison peut-être qui a poussé Binet à raconter ses souvenirs.
Si on y retrouve par moment le talent de Binet pour l'humour grinçant et les portaits satiriques (l'Abbé Lespart et son pesant sermon de bienvenue suivis de l'exclamation plus "terre-à-terre" de l'abbé Breuil - voir ci-dessous), cette BD dévoile aussi une vraie tendresse pour certains personnage (monsieur Carol, Aupetit) et présente des situations dramatiques inhabituelles dans les albums Fluide Glacial, accentuées par des cadrages assez savant et des ellipses intelligentes (le chapitre intitulé le filleul a la force d'évocation d'une nouvelle de Maupassant).
Binet ne cache pas grand chose de la vie quotidienne dans ces Institutions (même s'il mentionne en passant dans son intro qu'il a fait l'impasse sur l'homosexualité "courante dans ce genre d'établissements") : il parle franchement des curés tripoteurs, des bonnes sœurs aux méthodes abusives (la revue caca est un sommet), des méchantes blagues entre "camarades de classe"… et l'humour (en pointillé) s'apparente ici plus à une forme de pudeur qu'à une fin en soi.
En toile de fond, Binet nous raconte le contexte de l'après guerre (un professeur rescapé d'Auschwitz et traumatisé pète un câble en plein cours) et en quelques vignettes floues nous livre une transposition saisissante de la perception de la guerre d'Algérie pour la jeunesse de l'époque. Contrairement à ce que j'ai pu lire, il n'y a à mon sens pas beaucoup de nostalgie dans cette chronique féroce d'une institution scolaire autoritariste au service d'une religion pesante et mortifère, et les enfants eux-mêmes n'y sont pas angélisés.
Aujourd'hui, cette BD serait probablement regardée comme étant plus ou moins dans la même veine que les œuvres autobiographiques de l'Association (Persépolis, l'Ascension du Haut-mal). Dans les années 80, c'était un OVNI, qui est encore à tort classé dans la B.D. d'humour. En ce qui me concerne, je considère l'Institution comme une très grande BD, une des œuvres les plus honnêtes sur l'enfance que j'ai pu lire, et l'une des rares narrations française à traiter le catholicisme de l'intérieur, sans tomber dans l'anticléricalisme primaire - bien que le constat soit, au final, accablant.
Dans les dernières images du livre, Binet nous laisse sur un enfant solitaire qui attend que ses parents viennent le rechercher, sa solitude, son sentiment d'abandon – dominés par un crucifix – nous frappe soudain comme étant le thème central de l'Institution, et la raison peut-être qui a poussé Binet à raconter ses souvenirs.