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Articles Par Mois

9 octobre 2013 3 09 /10 /octobre /2013 07:39
France Télévision et une maison de production à qui je n'ai pas envie de faire de pub lancent une arnaque un nouveau concours de scénario. Mon coscénariste Antoine a déjà expliqué ici ce que les concours de scénarios représentent pour la profession.

L'annonce est rédigée ainsi :

"Un détail de l'Histoire change et tout dérive.

Et si… ?

A vous de le raconter!

 

"Et si …?" est un appel à projet de webséries sur les uchronies lancé par la direction des nouvelles écritures et du transmedia de France Télévisions. Il s'adresse à tous.

Les épisodes ne doivent pas dépasser 13 minutes. L’animation est autorisée.

Les dossiers, comprenant à minima le concept, la bible des personnages, l’arche d’une première saison et quelques épisodes dialogués, doivent être adressés via le formulaire ci-dessous.

 

Date limite de soumission des projets : 18 novembre 2013"
 

En lisant ça la seule soumission que j'ai envie de leur faire, c'est le dialogue suivant qui doit ressembler à celui qu'ils ont eu en mettant au point leur piège à… disons… jeunes scénaristes inexpérimentés et naïfs :

"Et si… je demandais à des gens de travailler sans être payé pour me proposer un truc qui mériterait de l'être, comme par exemple la bible d'une web-série sur l'uchronie avec des épisodes dialogués et l'arche de la première saison ?

Super idée, Jean-Michel, on devrait faire la même chose avec tout un tas de boulots vachement difficiles qui demandent des années pour être maîtrisés, comme par exemple la chirurgie du cerveau ou la construction de fusées : ça coûterait moins cher, et je suis sûr que le résultat serait quand même super !!!

– Ben oui, tiens, c'est pas comme si traiter les scénaristes avec le respect dû à des professionnels, les rencontrer en personne pour leur demander un pitch, et, si ça nous plaît, commander un pilote rémunéré, était envisageable.

– Tu as raison, Jean-Michel, ça a l'air trop difficile de sélectionner sur un pitch. Il faudrait qu'on connaisse notre métier, qu'on discute avec des agents, qu'on lise des échantillons du travail des mecs qu'on a en face, et même qu'on ait une idée de ce qu'on veut. C'est beaucoup trop de boulot. Il vaut mieux demander aux scénaristes de bosser comme des dingues dans le vide avec un sujet bricolé, comme ça, on aura plein de propositions et on choisira un heureux élu selon des critères super opaques.

– Tu vois : faire une web série humoristique, ça coûte pas grand chose et, si ça marche, ça peut rapporter pas mal en terme d'audience choisie… Il faut juste que les scénaristes comprennent la chance qu'ils ont de participer à cette aventure trop géniale et hype de travailler à faire du contenu web pour France télévision, en sachant que leur boulot ne sera probablement jamais diffusé parce que la majorité de ceux qui soumettront des propositions ne seront pas choisis !

– Ouais, Jean Michel, on est trop des super découvreurs de talents nous…

– Ouais, putain… qu'est-ce que j'aime mon métier !

– Pas au point de le faire sans être payé quand même ?

– T'es pas fou ? Je ne suis pas scénariste moi."
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16 mai 2010 7 16 /05 /mai /2010 04:41

10-19-World-s-End-Promo-csi-11106335-470-321.jpg

 

 

CSI ne lasse pas de m'étonner. Comme tout formula show, cette série comporte parfois des épisodes médiocres, professionnellement écrits mais qui se contentent d'appliquer la bible de la série sans se fatiguer.  Au fond, je trouve qu'ils sont assez rares. La série, après dix saison, n'oublie pas d'être créative. Et puis, régulièrement, la série produit une authentique gemme, un épisode qui, tout en respectant les contraintes de la série, propose une narration et une thématique incroyablement ambitieuse.


CSI n'est pas, contrairement à une idée répandue, une série sur la façon dont la police scientifique résout toutes les enquêtes en quarante minutes avec juste des éprouvettes et des analyses ADN. Quand elle est à son meilleur, la série parle en effet de science, mais pas comme on pourrait le croire. Il s'agit plutôt pour les auteurs de montrer la façon dont la recherche de la vérité, quand elle n'est pas soumise à un impératif personnel ou subjectif, nous mène souvent dans des directions que nous ne voudrions pas suivre au départ, des directions qui ne se soucient pas de la morale conventionnelle, des présupposés, ou des opinions faciles. C'est pourquoi les protagonistes de CSI sont en fait des détectives tout ce qu'il y a de plus classiques (qui participent même aux interrogatoires) mais vêtus du manteau de la science (celle, qui, justement, évite les conclusions définitives tant qu'elle ne dispose pas de tous les éléments). Ce ne sont ni des justiciers, ni des redresseurs de tort, et lorsqu'un scénariste l'oublie, la série perd ce qui fait son originalité.

 

Les meilleurs épisodes de CSI sont donc souvent une simple découverte des circonstances entourant une mort au départ ordinaire ou incongrue (mais obscure comme l'indique la mise en scène qui nous place les CSI presque systématiquement avec des lampes torches pour la découverte du corps et des remiers indices), circonstances dont l'ambiguité morale est un défi à la bien pensance. L'épisode World's End que je viens de voir est à mon avis représentatif du potentiel quasi inépuisable (en tout cas, pas encore épuisé) de cette série.

 

La victime de l'épisode est un jeune raciste, à la réputation de brute, détesté par tout le monde et qui traine avec une bande de néo nazi, retrouvé poignardé par un tournevis dans une bouche d'égoût. Le genre de crime qui vous tirera difficilement des larmes de compassion, et pourtant… Le coupable sera un criminel de la pire espèce, un homme responsable de plus d'atrocités que n'importe quel criminel jamais appréhendé grâce aux CSI (ce que fait remarquer le Dr Langston – joué par Lawrence Fishburne, parfait remplaçant de l'irremplaçable Grissom), et pourtant (bis)…

 

Un tel épisode risque fort de passer inaperçu, il est pourtant, sans sortir du cadre imposé par le genre, une preuve éclatante du succès artistique de cette série, de sa capacité à offrir une fiction intelligente, complexe dans ses résonnances, dans un cadre pourtant étroit à première vue (et peut-être est-ce cela qui le rend si efficace). Regardez bien la scène où Langston place les photos des nombreuses contusions et marques laissées sur le corps du jeune homme par dessus la radio de son squelette (cette scène résonnera lorsqu'on vous parlera d'une autre photo découverte sur un tas d'ossements). Notez la façon inhabituelle dont l'autopsie est filmée un peu plus tôt. Remarquez cette vieille dame, la seule à pleurer ce jeune homme, qui est en fait sénile et incapable de se souvenir de ce qu'on vient de lui apprendre. Ne sous-estimez pas l'audace de la scène où un professeur de théâtre implore d'innocents collégiens de chanter "Tomorrow belongs to me" (tiré de Cabaret) comme s'ils avaient déjà en tête le génocide à venir.

 

Et puis, il y a cette phrase, écrite par Evan Dunsky, simple mais ambitieux scénariste d'un épisode de formula show à succès, et qui vous cloue sur place : "Chanceux est l'homme qui n'a jamais eu à se confronter à ce dont il est vraiment capable."

 

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30 juillet 2009 4 30 /07 /juillet /2009 23:02
Allô, le CTU ? Ici Jacques Boheur…
Bon, Nina m'informe que l'attaque terroriste a été annulée,
finalement… Oui, c'est ça… Sinon… il y a quoi à la cantine, ce midi ?

                                                            


Récemment, Antoine de Froberville (mon co-scénariste) et moi, avons rencontré une "directrice littéraire" d'une maison de production spécialisée dans les téléfilms et séries, qui a pignon sur rue. Je tiens à dire que c'est elle qui voulait nous rencontrer et que ce n'était pas une candidature spontanée de notre part. Elle était même prévenue que nous étions échaudés par les méthodes de travail de la télé.

Voilà le résumé :

Elle : Je voudrais produire une série ambitieuse et travailler avec des nouveaux talents, en m'inspirant de la méthode américaine, créer un pool d'auteurs, etc.

Nous : Ouah, super ! Nous, les méthodes à l'américaine, travailler avec plusieurs autres scénaristes, on est pour. Cela dit, en parlant de méthode, précisons que dans un tel cas, la façon dont on travaille, c'est qu'on vous fait un pitch, vous prenez ou vous refusez sur cette base, mais après, on n'écrit pas une ligne sans être payés. À l'américaine quoi.

Elle : Pas de problème, c'est normal.

La discussion continue. A un moment, en l'entendant expliquer sa vision des choses, un doute m'étreint.

Moi : Mais c'est quoi un pitch pour vous ?

Elle : Ben c'est un résumé du scénario, de cinq pages, écrit.

Nous : Pas vraiment… Ça, ça s'appelle un synopsis. Un pitch, c'est trois minutes à l'oral pour vous convaincre qu'on a une bonne idée.

Elle : Vous êtes sûr ?

(Là on aurait dû se dire que ça sentait le pâté : un professionnel qui veut travailler à l'américaine, mais qui ne connaît pas le vocabulaire de base, c'est louche.)

Nous : Plutôt oui…

Elle : Mais enfin, ce n'est pas possible de savoir en trois minutes s'il y a une bonne histoire !

Nous : Ben les producteurs américains y arrivent… Ça oblige à aller à l'essentiel.

Elle : Ouais, mais ici c'est la France… Et puis, je n'aime pas qu'on me mette le couteau sous la gorge.

Nous : Nous, on ne vous oblige pas à nous engager…  Maintenant, si on vous comprend bien, vous voulez qu'on bosse pour vous écrire un synopsis, c'est à dire faire la construction de l'histoire, ce qui présente 70% du boulot de scénariste et plusieurs semaines de travail, sans aucune garantie d'être payés. En gros, c'est la même méthode française qui aboutit à de mauvais scénarios depuis vingt ans parce que la construction est bâclée.

Elle : Oui, mais moi je veux des gens qui soient passionnés.

Nous : C'est à dire ?

Elle : Des gens qui travaillent par enthousiasme…

Nous : Sans être payés, quoi…

Elle : Bon, la discussion est finie, sortez de mon bureau.

Nous (on ne bouge pas d'un pouce) : On est apparemment parti du mauvais pied. Mais quand même, on aimerait comprendre. Vous venez nous chercher pour travailler pour vous, pour vous aider, et vous prenez mal quand on demande d'être payé. Nous, tout ce qu'on demande c'est que les risques soient partagés. Si on passe un mois sur le projet et que ça se casse la figure, parce que la direction de la chaîne a changé, ou que votre projet n'était pas intéressant pour eux à la base, on aura travaillé pour rien.

Elle : Si on va par là, on peut plus rien faire ! C'est pas du poker, je ne paye pas pour voir. En France, les scénaristes ne sont payés que si le projet est validé par le "client" (traduction : "la chaîne de télé"). C'est comme ça.

Nous : On comprendrait que ce soit comme ça si c'était notre projet, mais là, ce n'est pas le cas : ça reste quand même une commande de votre part…

Elle : A vous écouter, plus personne ne peut faire d'appel d'offres. Les architectes, ils travailleraient comment ?

Nous : Ben les appels d'offres, ça nous intéresse pas. On pensait que vous aviez un projet à proposer, pas un appel d'offres…

(A ce propos, on aurait pu ajouter que les partenaires qui travaillent pour un cabinet d'architecte continuent d'être payés même si le projet auxquels il collaborent n'est pas retenu lors d'un appel d'offres... mais bon, l'esprit d'escalier.)

Elle : De toutes façons, à partir du moment où vous voulez être payés pour écrire, c'est fini. Moi je ne travaille pas comme ça. La discussion est terminée.

Nous : Bon, au revoir, désolés de vous avoir fait perdre votre temps… et le nôtre.

VLAM ! (Bruit de la porte de la télé qui se ferme derrière nous pour au moins quatre ans…)

Conclusion : Eh oui, les productions veulent faire des séries innovantes et audacieuses, à condition que cette démarche ne demande pas qu'elles aient  quoi que ce soit à changer à leurs méthodes éprouvées, qui ont donné les résultats que l'on sait…

Spectateur, j'espère que tu aimes Louis la Brocante et Julie Lescaut, on va te repasser le plat pendant encore longtemps.

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10 novembre 2008 1 10 /11 /novembre /2008 20:09
A première vue, Worst Week est une adaptation télé non officielle du film de Jay Roach Mon Beau-père et Moi, avec Ben Stiller. L'humour, de même que le postulat en sont en effet très proches. Cependant, le passage d'un médium à l'autre change assez la donne pour en justifier la vision. D'abord, la série est très bien écrite, avec un sens du gag et du rythme qui vaut ses modèles cinématographiques : quiproquos, situations embarassantes et humiliantes, rien n'est épargné à notre brave protagoniste qui n'a d'autre désir que d'être accepté. Cette écriture, presque uniquement fondée sur une redoutable mécanique comique, et délaissant volontairement les mots d'esprit, et les vannes est assez inhabituelle à la télévision pour intriguer : les auteurs seront-ils capables de tenir ce rythme assez longtemps ?

Qu'ils y arrivent ou non, l'expérience est intéressante car la construction de la série est originale et semble ouvrir de nouvelles perspectives à la sit com. Worst Week est en effet formée d'une suite d'"arcs" - c'est à dire de plusieurs épisodes reliés directement les uns aux autres. Les quatre premiers épisodes racontent ainsi la visite que fait le héros dans la famille de sa fiancée pour fêter l'anniversaire du père de celle-ci, et annoncer qu'ils attendent un bébé. Le deuxième reprend quelques mois plus tard à l'occasion des préparatifs d'un mariage.

A priori, chaque arc racontera ainsi une occasion familiale où le protagoniste se retrouvera invité dans la famille de sa femme, et tentera en vain de montrer à celle-ci qu'il est digne du clan en se mettant dans les situations les plus humiliantes et les plus embarrassantes qu'on puisse imaginer.

Pour l'instant, la série tient le choc après cinq épisodes presque sans fautes et extrèmement drôle. C'est une sit-com (chaque épisode dure vingt minutes environ à un rythme d'enfer mais il n'y a pas de public ni de rires enregistrés). Je la recommande chaudement en espérant que la série continuera sur cette lancée.
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30 octobre 2008 4 30 /10 /octobre /2008 18:09
La nouvelle série de Bruno Heller (Rome) vaut avant tout pour la personnalité de son protagoniste. Patrick Jane est un maître en manipulation qui a gagné sa vie durant des années en se faisant passer pour un médium. Suite à un drame personnel, il a décidé de mettre ses compétences au service du CBI (Californian Bureau of Investigation), devant ainsi consultant sur les enquêtes difficiles.

Même si j'apprécie l'écriture vive et le sens du rythme de la série, il me manque encore quelque chose pour être entièrement convaincu (cela dit, la série fait un carton aux USA). J'attends par exemple plus de conflits sur l'éthique même des méthodes de Patrick Jane (le genre de conflits que la série House arrive régulièrement à nouer et qui la rendent si riche).

Pour l'instant, The Mentalist reste une série d'enquêtes effectuées par un personnage haut en couleur comme il en foisonne depuis deux trois ans (Psych, Pushing Daisies, Life, etc.). Certes, elle est au-dessus du lot (elle est en tout cas bien meilleure que Psych sur un prémisse qui n'est pas très éloigné) mais elle ne me séduit pas encore autant que Life – sur laquelle il faudra que je revienne un de ces jours. Cela dit, peut-être qu'il me manque juste d'avoir vu l'épisode qui me convaincra (pour l'instant, seulement cinq ont été diffusés).

Néanmoins, en attendant de voir si elle évolue pour le meilleur, elle fait partie des bonnes surprises de la rentrée U.S., et si vous avez la chance de pouvoir la voir, elle mérite qu'on lui donne une chance.
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22 octobre 2008 3 22 /10 /octobre /2008 11:00

Là où, dans leur adaptation de The Office, les Américains ont choisi la voie difficile de s'écarter de l'original anglais pour mieux l'adapter aux particularités de leur société, proposant ainsi une version très infidèle, mais pertinente et intelligente, les Français ont choisi la voie facile du remake au gag près. La première saison du Bureau se contente ainsi de suivre la trame narrative de l'originale en transposant des références de la version anglaise à l'environnement français (il y a bien tout de même quelques gags originaux, mais aucun ne sert à approfondir les personnages).

Cette adaptation, faite par Nicolas et Bruno, qui étaient derrière les très réussis "messages à caractères informatifs" souffre cruellement de la comparaison avec l'œuvre de Richy Gervais et Stephen Merchant. Pour ceux qui n'ont pas vu The Office (version anglaise ou même version américaine), Le Bureau peut faire illusion, parce qu'il subsiste assez du génie de l'original pour qu'elle puisse être dans de telles conditions être regardée avec plaisir. Mais pour quiconque a vu l'une ou l'autre version, la comparaison est accablante pour le remake français.

Il ne suffit pas de remplacer de la gelée anglaise par du fromage et transposer les références culturelles (le groupe Texas par Indochine, par exemple) pour faire une adaptation. Il faut aussi réfléchir sur les personnages et la thématique générale de la série. Malheureusement, les auteurs français n'ont pas été capable de faire ce service minimum. Gilles Triquet, équivalent français de David Brent, est un cliché ambulant de beauferie, là où David Brent parvenait à représenter une réflexion (au sens de miroir) de la société anglaise contemporaine.

De plus, pour que le patron de The Office existe, il faut en face de lui un Tim (ou un Jim) qui serve de relais au spectateur. Ici, Paul (leur équivalent français) a l'air d'un premier de classe (ce qui est rédhibitoire pour le rôle), et ne possède jamais la distance ironique ni la présence nécessaires à sa fonction narrative. Du coup, l'alchimie ne prend pas. La faute n'en revient pas à François Berléand, qui s'en sort plutôt bien, même s'il n'a pas tout à fait le tempérament comique d'exception nécessaire pour éviter que la caricature soit trop apparente. On ne peut cependant le condamner pour avoir été victime d'une erreur de casting. On se prend cependant à rêver de ce qu'aurait donner la même série avec un Alain Chabat (dont les qualités de comédiens se doublent d'un sens aigu de l'ironie)… et un meilleur casting autour de lui. Mais François Berléand est avant tout limité dans ses possibilités par une caractérisation inconsistante de son personnage.

Ce qui laisse rêveur, c'est de voir à quel point l'écriture parvient à un résultat si médiocre alors que l'adaptation est si fidèle. Les auteurs, plus gagmen que réellement scénaristes n'ont simplement pas réussi à se poser les bonnes questions. Le problème, c'est qu'
en France la conscience de classe n'est pas du tout de même nature qu'en Angleterre. Du coup, nombre d'obsessions et de caractérisations de David Brent manquent leur cible lorsqu'elle sont adaptées fidèlement à Gilles Triquet. Sa participation à un groupe de pop dans sa jeunesse, par exemple, ancrée dans une réalité sociale en Angleterre devient grotesque pour un directeur régional en France. Et les gags très naturels qui en découlent dans l'original anglais donnent l'impression de passer en force dans la version française.

De même, l'humour lourdingue de David Brent, que Ricky Gervais manie avec maestria, devient, adapté à Gilles Triquet, un moyen inutile de souligner sa beaufitude – car la barque est déjà chargée. Alors que le personnage de David Brent est largement original dans le cadre de la comédie anglaise, Gilles Triquet provient d'un moule français plus traditionnel, déjà largement traitée par la troupe du spendid et nombre de comiques depuis trente ans. Il fallait trouver autre chose et – rêvons un peu – oser s'écarter tout à fait de la construction de la série anglaise pour centrer les épisodes sur nos propres aliénations et renouveler nos propres habitudes en matière de comédie. Bref, il fallait de vrais scénaristes, capables d'innover et de prendre des risques, comme l'ont fait les auteurs américains.


Le seul épisode de l'original qui semblait pertinent pour une adaptation française était celui du Quizz (Trivial Pursuit en France), mais les auteurs n'ont même pas fait l'effort de refléchir sur les complexes culturels si particuliers aux Français (avoir conservé ici la référence à M. Spock était totalement à côté de la plaque, d'autant que là où elle était révélatrice de la "culture" de David Brent, elle devient absconse pour caractériser Gilles Triquet, Star Trek étant trop peu connu par chez nous). Résultat : l'épisode en question n'est qu'une fade photocopie de la version anglaise, là où avec un peu de travail, il aurait pu être une critique grinçante de l'incompétence que nos élites dissimulent sous une culture d'étalage (malheureusement, il semble que les scénaristes soient eux-mêmes impressionnés par ce genre de culture).

Certes, dans le desert télévisuel de la sit-com en France, le Bureau fait illusion – et il fut largement loué par des critiques qui ne semblent pas avoir voulu faire l'effort de remonter aux sources. Ils auraient ainsi pu voir que ses principales qualités proviennent de la série anglaise qui, par comparaison, fait apparaître Le Bureau comme un travail d'amateur.

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21 octobre 2008 2 21 /10 /octobre /2008 11:00
Le succès de la série anglaise The Office n'a pas tardé à capter l'attention des networks américain, qui ont confié à Greg Daniels (auteur de King of The Hill) la direction du projet. Si le tout premier épisode de The Office U.S. est un remake fidèle (et peu convaincant) du pilote de l'original, la version américaine n'a pas tardé à trouver ses propres marques, offrant une perspective à la fois originale et approfondie des thèmes de la série.

La série américaine, loin d'être une version édulcorée, se montre aussi décapante et inconfortable que l'originale, d'autant qu'elle montre le meilleur de ce que l'écriture américaine est capable de proposer. Ricky Gervais ne s'y est pas trompé et a rendu hommage à la version américaine en écrivant pour celle-ci un épisode original au cours de la troisième saison.

The Office U.S. touche juste parce que la série ne s'est pas contenter d'importer un concept. Les scénaristes ont réfléchi à la meilleur façon d'adapter l'esprit de la série aux aliénations américaines (le politiquement correct, l'obsession de la performance, la religion, la drogue, le health care défaillant) tout en ne décalquant pas ses particularités anglaises (la conscience de classe, le silence de soumission…). Au final, le ton de The Office US est moins désespéré que l'original, principalement parce que l'interprétation de Steve Carell et la caractérisation de son personnage est moins satirique, plus chaleureuse que celle de Ricky Gervais. Michael Scott est parfois pathétique, et médiocre, mais il n'est pas, contrairement à David Brent, quasi dénué de qualités humaines : c'est un excellent vendeur qui est arrivé à un poste de direction par voie hiérarchique et reste bloqué à un poste pour lequel il n'est pas qualifié parce qu'il serait impensable de le rétrograder. C'est un grand sensible dont le désir forcené de se faire des amis et d'être aimé est la principale cause des moments de gêne qu'il provoque. Michael Scott, malgré toutes ses gaffes et son incompétence, a un désir sincère de bien faire. Il peut ainsi continuer de jouer un rôle de révélateur qui permet à la série de ne pas s'épuiser au bout de deux saisons et de ne jamais devenir insupportable, là où Ricky Gervais a dû faire le choix de stopper sa série pour éviter de tomber dans le sordide.

Le personnage de Jim (qui est l'équivalent de Tim dans la version anglaise) est lui aussi moins dépressif et fait preuve d'une décontraction qui apporte à la série un contraste subtilement dosé. Il semble moins écrasé par le système, plus proactif, ce qui, loin d'édulcorer la série, la rend au contraire plus complexe. Ses regards à la caméra, moins désespérés que ceux de Tim, invitent à une complicité qui autorise le rire, y compris dans les pires moments d'inconfort. Surtout, sa romance avec la réceptionniste (qui ici s'appelle Pam) bénéficie d'un traitement plus approfondi, qui la rend à la fois plus vivante (Dawn était assez peu développée dans la version brittanique, alors que Pam, avec ses manières de fille sage, est un personnage à part entière de la série) et moins étouffante. Quant aux plaisanteries de Jim envers Dwight (qui remplace Gareth), elles paraissent à la fois plus imaginatives et moins puériles que celles de Tim envers Gareth. Le personnage de Dwight est d'ailleurs peut-être avec Pam l'amélioration la plus notable de la version américaine – il représente ici la version pennsylvannienne du redneck et offre un aperçu des obsessions sécuritaires et de l'ignorance sans complexe de l'Amérique profonde.

La grande qualité de la série américaine est d'avoir développé les personnages secondaires, les caractérisant avec beaucoup de soin : qu'il s'agisse de Kelly, la midinette du service, de Creed, le vieux hippie, d'Angela, la comptable fondamentaliste, ou de Ryan, le jeune stagiaire aux dents longues, chaque personnage bénéficie d'un traitement qui permet de faire vivre le décors et de le rendre petit à petit aussi familier qu'un authentique lieu de travail. Le succès et la durée de The Office US (quatre saisons diffusée plus une cinquième en cours) contredit l'une des idées reçues les plus ancrées en France selon laquelle les gens ne veulent regarder la télévision que pour se changer les idées. Ce qu'ils font en regardant The Office, c'est pourtant examiner leur réalité quotidienne, juste assez transposée pour leur offrir une demi-heure d'intelligence et de subversion par semaine.

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20 octobre 2008 1 20 /10 /octobre /2008 11:00
La série The Office de Ricky Gervais et Stephen Merchant allie la simplicité du concept (faire une satire de la vie ne entreprise) à une complexité thématique et une perfection d'exécution qui en font une des plus grandes œuvres de la télévision récente. Pas moins de cinq adaptations ont été faites dans différents pays (USA, Allemagne, Quebec, Chili et France), ce qui n'a rien d'étonnant, considérant le fait que l'aliénation décrite par la série est à peu près universelle.

La réussite artistique de The Office tient beaucoup néanmoins à son contexte particulier, c'est à dire l'Angleterre… Le personnage de David Brent (le patron joué par Ricky Gervais), d'une vérité troublante même dans ses excès, semble incarner les contradictions de l'Angleterre blairiste à la perfection : laxiste avec des soudaines pulsions d'autoritarisme, incapable de prendre une décision impopulaire mais profondément égoïste, obsédé par la façon dont il est perçu et en contradiction permanente avec son discours. Brent n'est pas populiste parce qu'il veut le pouvoir : il tente d'utiliser son pouvoir pour être populaire (ce qui semble une cause perdue). Incapale de jouer son rôle de chef, il voudrait être quelqu'un d'autre : une rock-star, un comédien, mais n'en a ni le talent, ni le courage. Surtout David Brent est une incarnation de la conscience de classe si importante en Angleterre : il veut paraître plus cultivé et plus raffiné qu'il ne l'est mais ne parvient jamais à se débarrasser de ses réflexes d'origine prolétaire.

L'interprétation de Ricky Gervais de ce personnage médiocre, pathétique et névrosé, est naturaliste au point de rendre la vision de The Office devient souvent inconfortable. Sous l'humour perce une angoisse existentielle. Heureusement, le spectateur a pour relais identificateur le personnage de Tim, instruit, intelligent mais piégé dans la vie morne de l'entreprise. Sa relation complice avec la réceptionniste Dawn, son sens de la dérision, apporte à la série le bol d'air dont elle à besoin… Cependant, c'est un air raréfié qui n'offre qu'un soulagement partiel, cette complicité étant principalement basée sur une même détestation de leur travail. I
l devient vite évident que Tim ressent un peu plus qu'une complicité envers Dawn, mais celle-ci est fiancée (à un macho qui ne la mérite pas qui plus est). La romance contrariée entre Tim et Dawn est cependant aussi ambigue que possible, et, loin d'apporter un soulagement est souvent une cause d'embarras et d'inconfort, comme si tout sentiment humain dans le cadre de l'entreprise ne pouvait qu'être entravé et dissimulé…

L'humour de Tim (qui s'exerce principalement contre son collègue, le psycho-rigide Gareth) a lui-même quelque chose de désespéré, de délibérement puéril, qui semble plus une fuite de la réalité, une façon de conserver un peu de joie dans le désert existentiel que représente la vie en entreprise, qu'à une action subversive. Les plaisanteries de Tim n'offrent pas de satisfaction, principalement parce que les réactions de Gareth sont rarement comiques en elles-mêmes.

Un élément particuilèrement intéressant de la série est le fait qu'elle est filmée comme un documentaire, donnant l'impression d'être semi improvisée (même si elle est en réalité écrite au cordeau). Ce choix lui donne une pertinence étonnante, à notre époque de reality shows : David Brent (particulièrement dans l'épisode final situé deux ans après la saison 2) est clairement du même moule (le look en moins) que les vedettes éphémères de la télévision contemporaines, qui ne cherchent la célébrité que pour satisfaire leur ego, acceptant ainsi d'être manipulés par le medium, tout en le dénigrant quand il n'en retirent pas ce qu'ils espéraient. C'est peut-être là d'ailleurs ce qui finit par sauver David Brent : il n'est jamais que le produit d'un système. Sa personnalité embarrassante met en valeur les injustices et les contradictions de ce système, mais il n'est, au fond, qu'un pauvre type qui souffre de solitude.

Le sujet de The Office c'est la façon dont nous menons notre vie sans nous en apercevoir : le bureau, n'est pas un lieu de travail, c'est aussi un lieu de vie, c'est à dire un lieu où se font les choix qui nous définissent. Pourtant chaque personnage de la série aimerait être autre que ce qu'il est vraiment : David Brent voudrait être un amuseur, Gareth voudrait être un guerrier des temps modernes, et l'un comme l'autre ne cessent de le clamer, se persuadant eux-mêmes qu'ils sont ce qu'ils voudraient être… Contrairement à eux, Dawn voudrait être illustratrice - et peut-être en a-t-elle les capacités – mais elle le cache. Quant à Tim voudrait être… en fait il ne le sait pas (en tout cas dans la première saison), mais n'importe quoi d'autre qu'un employé de bureau. Il est le personnage qui aura le trajet le plus important de la série, le seul peut-être a acquérir la capacité d'être honnête avec lui-même et ses propres aspirations.

Pourtant, The Office est très drôle. Mais parce que la série ne semble jamais chercher le gag, parce qu'elle laisse le spectateur libre de considérer chaque personnage avec sympathie ou non, elle délivre une fiction bien plus satisfaisante que nombre de sit-com. L'humour anglais a encore de beaux jours devant lui…

Même si vous avez vu (et peut-être admiré) The Office version américaine ou même Le Bureau, diffusé sur Canal+ (deux séries sur lequelles je reviendrais les prochains jours), je ne saurais trop recommander la vision de la série originale de The Office qui n'a pas fini d'inspirer les scénaristes de par le monde, qu'ils travaillent ou non sur ses déclinaisons locales.
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17 octobre 2008 5 17 /10 /octobre /2008 11:00
A la fin de sa première saison, je me demandais si Heroes méritait bien sa réputation. En fait je me demandais surtout si la série tiendrait ses promesses. Tim Kring ne me semblait pas vraiment maîtriser la construction de son histoire.

L'avenir a confirmé mes craintes : la deuxième saison est si catastrophique que Tim Kring a dû s'excuser publiquement.


Malgré le fait que Heroes semblait avoir sombré dans la pure péripétie (prétentieuse qui plus est), j'ai voulu suite donner une chance à la troisième saison (au moins son créateur reconnaissait s'être planté, peut-être allait-il repartir dans la bonne direction). Après avoir vu les cinq premiers épisodes… ben je ne suis pas sûr que la leçon ait été apprise. La troisième saison est pour l'instant plus intéressante que la deuxième (ce qui n'est pas difficile) mais apparaît aussi creuse, aussi formulaïque, aussi évidente dans ses intentions. Heroes, un peu à l'instar de Veronica Mars, ne se remet pas d'avoir duré plus d'une saison. Peut-être n'était-elle pas faite pour durer plus…

Heroes n'est peut-être finalement qu'une série opportuniste, influencée par Lost (sans en avoir la richesse ni l'unité thématique), et surfant sur la vague actuelle des adaptations de super-héros. Dommage cependant qu'un visionnaire ne soit pas au commandes, il y a d'excellents acteurs et un potentiel inexploité.

Ce qui manque, c'est peut-être juste une vision globale, et une reprise en main des personnages… Espérons… je continue de lui laisser sa chance pour cette saison, j'aurais peut-être une ou deux bonnes surprises en chemin.


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10 octobre 2008 5 10 /10 /octobre /2008 11:00
Le destin du brillant et cynique avocat Eli Stone semblait être de défendre des multinationales irresponsables face à des Class Action ou des accusations justifiées de malversation, d'épouser la fille du patron de sa firme et de continuer à subir la désaprobation de sa secrétaire. Mais il est un jour victime d'hallucinations auditives, qui culminent lorsqu'il voit George Michael chanter Faith dans son salon… et sa vie en sera à jamais changée. N'en disons pas plus… la découverte de l'intrigue fait ici intégralement partie du plaisir de spectateur, et cette série étant peu connue en France, je m'en voudrait de vous la spoiler.

On a souvent comparé cette série à Ally McBeal, et je peux voir pourquoi : les numéros musicaux, la fantaisie, l'approche idéaliste, le ton léger… et, à l'évidence, le fait que le héros soit un avocat. Eli Stone, créée par Greg Berlanti et Marc Guggenheim, est cependant beaucoup plus politique et militante qu'Ally McBeal. En dix ans les choses ont changé. On a même ici droit à des discours sans ambiguités qui attaquent le capitalisme moderne et ses excès (un an avant la crise financière… on se demande ce que la deuxième saison nous réserve dans le contexte actuel).

Certes, on peut froncer les sourcils à l'idée que la série offre comme seule alternative au libéralisme le choix de se mettre entre les mains de "Dieu". Mais Dieu, ici, ressemble plus à une transgression fantastique, un principe panthéiste, qu'à un directeur de conscience sourcilleux. Eli Stone parle de foi, non la foi religieuse des fondamentalistes – qui sont égratignés à plusieurs reprises –, mais comme d'une qualité nécessaire à tout être humain pour être connecté aux autres.

Clairement, Eli Stone n'est pas une série aussi torturée et révolutionnaire que Mad Men, Breaking Bad ou Lost… mais c'est un bonbon qu'on apprécie justement parce qu'il est sucré et offre un plaisir immédiat. Et les auteurs connaissent leur affaire : chaque personnage est ciselé autour d'un archétype, pour être ensuite caractérisé par petites touches. (J'apprécie particulièrement le traitement subtil du personnage joué par Victor Garber.)

En bref, je me réjouis du retour prochain d'Eli Stone pour une deuxième saison. Un rayon de soleil n'est pas inutile alors que la tendance générale des séries est plutôt au sombre (d'autant que, dans le même genre, Pushing Daisies ne me convainct pas). Et puis la légereté d'Elie ne pâtit pas le moins du monde du fait que la série ait une cause à défendre, au contraire…

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